Connaissez vous le syndrome du gisant ?
Le syndrome du gisant désigne l'impact d'un fardeau émotionnel et psychique, qui peut s'exprimer jusque dans le corps, transmis par un deuil impossible à faire. Lorsque le deuil d'un membre de la famille n’a pas été fait, il laisse une empreinte dans l’inconscient familial, où la mémoire de ce défunt devient omniprésente, c'est le fameux "gisant" à l'image de ses statues funéraires couchées sur les tombeaux.
Que se passe t il alors ? Les descendants vont se partager le poids du fardeau de la peine immense liée à cette mort inacceptable, et tâcher de répondre à la demande invisible de faire revivre ce défunt. Les morts inacceptables sont les décès qui ne s'inscrivent pas dans le vieil âge. Un personne atteinte de ce syndrome se sentira comme empêcher de vivre sa vie et alourdie par le triste poids de ce gisant et de son deuil non fait. En reconnaissant et en honorant ce deuil non fait, il devient possible de se libérer de ce poids et de permettre à la vie de reprendre son cours, en brisant les chaînes invisibles qui retiennent les descendants dans une mémoire figée.
Dans ses ouvrages, Le syndrome du gisant I & II, Salomon Selam nous guide dans cette exploration en mettant en lumière l'impact des mémoires familiales non résolues et la manière dont elles se manifestent dans nos vies. À travers ses mots, il propose des pistes pour sortir de ce syndrome, et retrouver la liberté de vivre notre propre destinée, sans être prisonnier des poids du passé.
Aujourd'hui j'avais envie d'apporter un éclairage sous une autre forme : par le langage symbolique que j'affectionne tant, car, il est à mes yeux, le langage du vivant et du sensible. Quoi de mieux pour réparer les vivants que la Vie elle même?
J'ai donc composé pour vous une histoire aux accents de récit conté et , bien sure, le Tarot y ouvre des portes de sagesse guérisseuse. J’espère que cette histoire apportera un éclairage bienfaisant, pour ceux qui, comme Isolde, cherchent à libérer leur cœur et marcher dans la lumière de leur propre vérité.
Isolde et la mémoire de pierre
Elle marchait sur la lande parmi les pierres levées. Le vent fouettait son visage, il chuchotait d'une voix étrange. Ses ancêtres avaient marché sur cette terre qui était la sienne aujourd'hui. Combien de générations s’étaient succédé ? Le même ciel, le même vent, les mêmes pierres. Depuis sa naissance, elle sentait un poids sur ses épaules, et elle venait s'exposer au grand souffle du ciel dans l'espoir d'alléger ce fardeau. Mais chaque pas devenait plus lourd que le précédent. Son cœur pesait comme un menhir planté dans sa poitrine, son corps se fatiguait vite, ses rêves semblaient toujours flous, et chaque décision paraissait emprisonnée dans une toile invisible. Sa vie étaient recouvert de voile morne sans horizon.
Isolde serrait dans sa main un paquet de cartes, un Tarot trouvé dans une vieille boîte. Ses dessins la fascinaient. À chaque fois qu'elle les regardait, les illustrations s'animaient sous ses yeux pour lui raconter une histoire.
Elle avait décidé de trouver des réponses dans ces cartes. Elle était allée trouver refuge dans la vieille maison du gardien près de dolmen. Devant le feu, elle mélangea calmement les cartes et dit à voix haute :— Montre-moi comment alléger mon cœur de ce poids et marcher ma vie avec joie.
Trois cartes tombèrent d'elles-mêmes.
La Lune : secret et enfantement.
La Lune révélait un paysage nocturne rempli de larmes. Deux loups semblaient garder l'entrée d'une forteresse. Une étrange créature dans un bassin restait immobile et silencieuse. Une voix s’éleva du feu :— Isolde, tu portes en toi une ombre qui n’est pas la tienne. C’est un appel venu des profondeurs de ta lignée, une mémoire ancienne qui gît en toi. Pour avancer, tu dois descendre dans les eaux troublées par le secret et le chagrin qu''on n'a pas libérer par les larmes.
Alors elle explora son passé familial. Elle découvrit qu’un enfant, son oncle décédé bien avant sa naissance, avait été effacé des récits de sa famille. Les circonstances de sa mort, passées sous silence, faisaient que personne ne parlait de lui. La peine causée par son décès pesait comme un menhir planté dans le cœur de sa grand-mère et de sa mère. Son propre prénom était un écho de cet oncle méconnu...
L'Arcane sans nom : rendre hommage au nom perdu et remettre en terre le fardeau de peine.
Souvent redoutée mais porteuse de libération, une figure inquiétante balaie la terre noire à l'aide d'une faux. Elle coupe ce qui n’a plus lieu d’être. La voix reprit :— Pour libérer ton chemin, honore cette mémoire. Puis souviens-toi : il ne s’agit pas de porter son poids, mais de lui rendre sa juste place. Ce qui est mort appartient à la terre. Toi, tu appartiens à la vie.
Guidée par cette sagesse, Isolde écrivit une lettre à l’âme de son oncle, reconnaissant sa place dans la famille et lui offrant des mots d’amour et de paix. Elle laissa couler hors de son corps toutes ces larmes qui n'étaient pas les siennes. Puis elle enterra cette lettre entre les épaisses racines d'un arbre, confiant à la terre le soin de transformer cette mémoire.
Le Soleil : l'enfant retourne dans le jardin d’Éden et la lumière retrouvée.
Un paysage baigné de chaleur illumina le cœur d'Isolde. Elle vit l'enfant enfermé dans le triste silence de l'oubli retourner dans le jardin d’Éden, où il retrouva son double lumineux. Toutes les ombres qui obscurcissaient le cœur d'Isolde disparurent, et un immense soleil prit place dans sa poitrine. La voix lui murmura une dernière fois :— Voici la lumière qui est la tienne. Elle revient lorsque tu acceptes d’être toi-même, sans chercher à remplacer ceux qui sont partis. Tu es libre d’écrire ton histoire. Le chagrin inconsolable n'est plus.
Isolde sentit un poids immense se lever de ses épaules. La lourde pierre qui pesait sur son cœur vint prendre place sur la lande, le nom de cet oncle gravé dans le granit, quelques fleurs blanches poussèrent à sa base. Peut être étaient-ce les larmes de la mère en deuil qui les firent fleurir... ?
Une lumière nouvelle envahit chaque recoin de son être chassant la peine qu'elle portait pour soulager ses ancêtres du fardeau du chagrin. Son esprit se libéra des chaînes invisibles qui l’avaient longtemps retenue. Le froid de la mort s'éteignit dans son corps. Elle était enfin réchauffée par son propre feu intérieur. Elle pouvait désormais choisir de vivre pour elle-même, dans la liberté et la joie, un sourire naissant sur ses lèvres, comme un rayon de soleil après le brouillard.
Audrey Gauduchon
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