Comment se construit et se transmet une croyance ?
- Audrey Gauduchon
- 9 avr.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 3 jours

Comment naît une croyance ? Quel impact et quelles conséquences peut-elle avoir sur la vie d’un individu ? Sur un groupe ? Quelle place prend-elle dans la transmission intergénérationnelle ? J’aimerais vous montrer ce processus aussi subtil que puissant à travers un exemple qui, à première vue, semble anodin, mais qui cache en réalité une douleur devenue héritage transmissible.
Lors d’une consultation, une patiente me parle de ses blessures d’amitié. Elle me confie qu’elle classe ses relations en fonction des signes astrologiques. "Je me méfie des femmes Scorpion, car elles finissent toujours par me trahir", affirme-t-elle. Puis elle ajoute : "D’ailleurs, ma fille vient de vivre sa première déception amicale avec une jeune fille du même signe ! La théorie se confirme." J’ignore si un signe astrologique est plus enclin à la trahison qu’un autre, d'ailleurs j'en doute fort, mais cette affirmation m’interpelle. Pourquoi cette méfiance spécifique envers les femmes Scorpion ?
En consultant son Théâtre de Vie – un outil qui permet de décrypter les dynamiques transgénérationnelles grâce au Tarot de Marseille –, j’observe que l’arcane de l’Amoureux y occupe une place centrale. Cet arcane évoque notamment les situations triangulaires, comme l’adultère. En creusant, elle m’explique que son père était volage et a eu plusieurs maîtresses. Mais l’événement déterminant, celui qui a brisé le couple parental, fut une liaison avec une amie très proche de sa mère. L’adolescente qu’elle était à l’époque assista alors à l’effondrement du couple parental, marqué par des drames émotionnels où la trahison dominait : une mère trompée à la fois par son mari et par une amie. Deux blessures en découlaient : l’une d’amour, l’autre d’amitié. Et puis, elle lâche cette phrase : "D’ailleurs, cette femme était Scorpion ! C’est bien la preuve que les femmes Scorpion sont des traîtresses !"
Je lui pose alors cette question :"Et si ce n’était pas une vérité, mais une croyance née du drame auquel vous avez assisté ? Une croyance ancrée dans votre inconscient qui, depuis, cherche à se confirmer et vous en protéger ?".
Car cette croyance, désormais agissante, se répète et se transmet et vient expliquer la douleur. Lorsque sa fille vit son premier chagrin d’amitié, elle lui dit : "Il faut se méfier des femmes Scorpion." . Et ainsi, avec en arrière plan le besoin de se protéger de la souffrance, la croyance devient réalité…
Une croyance se construit souvent là où la douleur laisse une empreinte. Elle s’installe dans l’inconscient. C’est une réponse, un mécanisme de défense/protection qui vient donner un sens à une expérience douloureuse qui semble injuste. L’esprit, cherchant à donner du sens à la douleur, établit une association entre cette trahison et un élément identifiable en l’occurrence le signe astrologique de cette femme. Dans le cas de ma patiente, chaque nouvelle rencontre avec une femme Scorpion devient une occasion de confirmer cette « vérité » intérieure, chaque interaction nourrissant un peu plus cette conviction. La croyance a un grand pouvoir de filtrage : si la réalité vient l'invalider , le filtrage la rejettera soit l'ignorera.
Mais la puissance d'une croyance se trouve dans sa capacité à se transmettre. Elle s’inscrit dans une dynamique familiale et intergénérationnelle. En effet, la mère, en transmettant sa vision des femmes Scorpion à sa fille, fait naître une nouvelle génération de croyances. Sans même le savoir, elle perpétue ce filtre, cette vision biaisée. Un simple commentaire qui cherche à donner du sens à l'expérience douloureuse et injuste vécue par sa fille , une phrase lâchée comme « Ah, encore une Scorpion ! », suffit à inscrire cette idée dans l’inconscient de l’enfant, à renforcer cette méfiance, cette croyance limitante. C'est ainsi que d'une génération à l'autre se transmet un héritage invisible , le fardeau émotionnel d'une douleur intime qui se pose comme un filtre de perception. Un filtre qui peut déformer la réalité et modifier nos relations. Ce qui commence comme une simple protection face à une douleur devient une règle implicite, une vérité. Cette vérité finit par structurer la manière dont l’individu va percevoir les autres, jusqu’à la transmettre à son tour sans qu’on en questionne l’origine.
J'ai pris l'exemple d'une croyance en apparence anodine mais ce même système de construction et de transmission se décline à l'infini. Les croyances sur l'amour et les relations comme par exemple « les hommes sont infidèles», sur l'argent « l'argent est sale, il crée le malheur », la santé « les hommes de la famille meurent jeune dans un accident», le travail « tout se mérite à la sueur du front », le destin familiale « les femmes doivent tout porter et à la fin elles restent seules » ...etc.
Les croyances se transmettent comme des vérités, mais elles ne sont que des reflets de nos blessures. En les mettant en lumière, nous pouvons briser les chaînes invisibles du passé et ouvrir un nouvel espace de liberté pour nous et pour les générations à venir.
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